samedi 11 janvier 2014

# Enfance


Elisabeth Ambrose est vide, pour l'instant c'est juste une enveloppe. Un nom et corps mince, quelques taches de rousseurs, c'est absolument tout. Née de père et de mère, quelque part, oui mais où. Son premier souvenir, ce qu'elle voit de son lit, ce qu'elle entend derrière la porte, quelle forme donner à sa madeleine. 

Transposez vos propres souvenirs, ou inventez-en lui. 
Ecrivez un fragment de sa vie minuscule au creux des commentaires, ce blog fonctionne comme ça.

Elisabeth Ambrose peut être un petit peu vous et tant d'autres à la fois. Je sais qu'elle aime le vent, la tempête et les courants d'air. Le reste, c'est à vous de voir, personnage collectif, Elisabeth attend, un peu triste d'être floue, ce serait bien d'y remédier. 


6 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. De son lit Elisabeth ne voit rien. Elle se lève dans la nuit à cause des bruits derrière la porte. Mais dans le couloir en larmes elle trop peur du noir pour avancer. Elle se plaque contre le mur et sanglote pendant longtemps. Paralysée elle reste là. Jusqu'à ce que ses mains frôlent le papier peint et touchent la jonction entre les lais. L'index en avant elle suit le creux sur la pointe des pieds. Elle écarte les jambes pour attraper une autre trace. Le ventre écrasé contre les fleurs roses et mauves Elisabeth se pique très fort aux épines. De retour dans sa chambre elle allume la lumière et s'assoit dans le lit acheté par son papa le mois dernier. Un peu de sang sur sa robe de nuit colore le blanc du tissu en coton qu'elle aime frotter contre sa joue avant de l'enfiler. Elle la quitte et renifle les fibres de son corps. Elisabeth a des frissons car elle trouve qu'elle sent bon. Elle aime son odeur. Même si son père lui dit tout les matins qu'elle sent mauvais. Au petit déjeuner il lui demande à elle et à sa soeur aussi de reprendre en choeur que leur sexe pue. C'est une ritournelle et les deux petites filles rivalisent avec leur voix devant les yaourts remplis de céréales bio. Quand ce n'est pas du lait froid ou chaud qui ramollit le blé et l'orge jusqu'à la nausée. Mais y'a pire. La peau sur le lait tiède qui se colle à la cuillère.

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  3. Bon, je lui fabrique un souvenir d'enfance à Elisabeth Ambrose :

    Criquet
    Réminiscences de chasses enfantines durant les longues plages de solitude.
    A l’affût après des stridulations proches.
    A droite.
    Non.
    Plus loin.
    Cet insecte pâle et chétif,
    elle n’en fera qu’une bouchée.
    La main s’approche doucement,
    frôle mais rate l’objet du désir.
    Le chant reprend plus loin.
    Ici ou là.
    Un peu de patience, mettre toute la main sans l’écraser.
    La menotte s’abat brutalement, trop brutalement.
    Cri de dépit devant le magma informe.
    L’eau coule, déborde sur ses mains et poignets
    et répare vite l’erreur.
    Recommencer.
    L’insecte chatouille dans sa main,
    cri de victoire.
    Ecarter la main pour regarder. Le criquet tente de fuir.
    Il ne reste qu’une patte.

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  4. Elisabeth ne dit pas non. Elisabeth a quatre ans, Elisabeth est polie. Quand on vous lit une histoire avant de dormir, on ne refuse pas. Elle essaye d'y échapper, elle fixe les taches blanches sur la tapisserie. Elle chante dans sa tête. Très fort, la chanson où à un moment ça fait yeah yeah yeah yeah rien à faire. La voix la rattrape aux tympans.

    C'est la pire histoire. Celle avec des princesses qui crachent des perles et des grenouilles. Derrière les orbites d'Elisabeth, les gorges se contractent. Se déforment, pattes et joyaux à travers la peau laiteuse. Bave et rots. Elisabeth remonte la couette nounours et crache. Pas vue.
    Plus tard, beaucoup plus tard, enfin Il est parti. Elle tend la main et éteint sa lampe ; ne plus voir les dents, les dents en plastique sale de la veilleuse-nounours.

    Noir. Noir enfin. Si elle regarde dans le coin en haut à gauche du plafond, Elisabeth le sait, c'est comme si la nuit ne finissait pas. Alors elle lève les yeux et bascule. Dissout dans le vide toutes les images. Enfin.

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  5. Merci à vous ;)
    J'ai donc utilisé des bouts de votre tricot pour poursuivre le mien dans le post suivant.

    Elisabeth Ambrose sera une de mes copines dans Le Parti du Cercle, une tentative de narration IRL, qui inclut des tas de trucs, perfs & cie, et un roman.

    Je trouve ça amusant qu'elle s'invente avec les contraintes d'un atelier ouvert.


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  6. Quand on lui demande quel est son premier souvenir, Elisabeth plisse l’émeraude de ses yeux pour mieux discerner les contours d’une image floue et crache de la naphtaline avec la fumée de sa Marlboro. Elle ne sait pas quand c’est ni pourquoi ce moment l’a marquée à vie comme les tâches de rousseurs projetées sur sa peau diaphane mais elle sent bien que ça remonte à un bail.

    Elle sent également la friture remonter de la cuisine du rez-de-chaussée et s’infiltrer autant dans ses fines narines que dans les plis des doubles-rideaux en velours lisse, elle ressent déjà la solitude culpabilisée de l’enfant aux parents bien trop souvent absents.
    Premier sentiment d’une longue blacklist.

    Ce qu’elle voit en sépia, ce sont des barreaux de bois brut à gauche, à droite. A travers filtre du gris anthracite ; il fait nuit presque noire et elle est dans son lit d’enfant. En face d’elle se trouve un plafond, vaste et vide, comme cette ville moyenne de Picardie où elle est née. Elle gigote, se rappelle encore aujourd’hui de la frustration d’arriver à se lever dans son lit mais pas du lit toujours à cause de ces foutues barres de sécurité; elle doit avoir dans les trois automnes, ne sait pas encore les névroses que l’hiver va lui infliger ni l’accalmie que le printemps va tant bien que mal essayer de lui offrir. La porte est fermée, personne ne peut l’écouter si elle chouinait à cause du noir comme ses camarades d’école.
    Car oui, c’est une enfant et elle a peur.

    Au coin supérieur gauche de ce tableau sombre d’un premier étage s’infiltre délicatement un rayon de lumière, il s’agit de la fenêtre qui attire autant l’attention d’Elisabeth que l’Arbre magique des Klorofil que son oncle lui a récemment apporté de Paris. Elle ne voit rien d’autre mais ça l’attire terriblement, ces vitres qui laissent passer un peu de lumière de la rue, le sifflement du vent et un peu d’air, celui peut-être qu’il lui manque. Elle s’est souvent dit adolescente qu’ils venaient la chercher, la sortir de cette chambre d’hôtel une étoile où elle essayait de passer ses nuits quand ses parents s’occupaient de faire tourner l’établissement. Le double-vitrage l’aurait tuée.

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